De l'éthique en général à l'éthique du Yoga Intégral
Dans sa généralité, l'éthique se fonde sur la démarche toujours perfectible d'une relation responsable et juste avec les choses, avec soi-même et avec les autres.
Distinctions entre la morale, l'éthique et la déontologie :
Remarquons que la morale est normative par nature, elle recommande de faire ceci ou de s'abstenir de cela en raison de règles existantes, de lois ou d'une déontologie. La morale se réfère à une autorité préexistante réelle ou imaginaire, temporelle ou spirituelle. La morale prescrit, elle est conviction, certitude dans la théorie, elle juge et parfois condamne.
La morale est du côté de la bonne conscience.
L'éthique se situe à la pointe des interrogations, elle est au-devant des questions, elle fraie les chemins et envisage des ébauches de réponse. L'éthique hésite souvent, doute toujours dans les applications pratiques, elle s'efforce de progresser vers le meilleur ou le moindre mal, elle cherche laborieusement au risque de l'erreur. C'est une démarche dangereuse mais irremplaçable que seules les personnes libres peuvent emprunter. L'éthique évalue les valeurs non pour exclure mais pour comprendre et agir.
L'éthique est du côté de la conscience bonne et éclairée.
Quant à la déontologie, elle exprime les règles minimales de la conduite correcte dans le contexte particulier d'une profession, d'une mission ou d'une fonction.
Propositions générale de l'éthique : "L'éthique est une démarche intérieure qui interroge la visée des valeurs humaines dans leurs relations entre soi-même et ce qui est autre. Elle se construit par une réflexion confrontant les discours et les comportements. L'éthique est une prise de risque en direction du bien et du juste. Son intention s'exprime dans le sens donné à la pensée, la parole et l'action selon six principes fondamentaux : 1. celui de justice, 2. de liberté, 3. d'autonomie, 4. de non malfaisance, 5. de bienfaisance, 6. de communication de bonne foi.
L’éthique ne peut exister que par l’acceptation d'un statut de la personne humaine ; c'est à dire :
1. l'universalité de l’éthique envers toutes et tous, quel que soit l'individu.
2. sa cohérence avec l'ensemble des autres pratiques et
3. sa transcendance, sa dignité et un droit à réaliser son projet de vie .".
L'éthique
du Yoga Intégral :
L'éthique du yoga s'exprime envers les autres et envers soi. Elle est considérée comme un moyen habile, dont la pratique permet la progression vers un perfectionnement. L'éthique précise et développe le système de valeurs du Yoga. La connaissance de l'éthique ainsi que sa mise en pratique sont la base et l'ancrage incontournable du Yoga Intégral.
La question de savoir ce qu'il convient de mettre en premier, soit l'éthique envers soi ou l'éthique envers les autres présente peu d'intérêt. En effet nous sommes à la fois un individu pour nous-même et un prochain pour les autres. La nécessaire réciprocité entre Soi et notre Prochain se pose donc comme une évidence, elle se résume parfaitement par la Règle d'Or Universelle : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Un Yoga qui enseigne et pratique l'éthique de la bienveillance réciproque a réalisé l'essentiel de la démarche en direction de la perfection.
L 'éthique envers les autres : Elle consiste à être bienveillant, rester dans la vérité, ne pas accumuler des richesses, à vivre des relations modérées et désintéressées.
La première règle éthique dans notre relation avec les autres est la bienveillance. Elle est l’aspect positif de la démarche consistant à dire non à la violence : « Ahimsa » afin de ne pas nuire. Dans cette logique, il s’agit à minima de s’abstenir de faire du mal à toute créature vivante sensible. Ahimsa est non seulement le respect extérieur de la vie mais aussi et surtout une attitude intérieure constructive de paix, de justice et de recherche de liberté individuelle et collective. Cette attitude concerne les pensées, les paroles et les actions.
La seconde règle est celle de la vérité, elle s'appuie sur la sincérité et la bonne foi. Nous pourrions parler d'authenticité de l'être ou encore d'intégrité. La vérité, comme toute arme puissante doit se manier avec discernement en pensant justement à l'autre, à sa capacité de comprendre et à assumer. La modération dans l'usage de la parole est recommandée...
La troisième règle consiste au non-cumul des richesses car un cumul inutile est assimilé au vol "asteya" et à la perte de la liberté. Ne pas accaparer sans juste motif des biens, (comme l’eau ou la terre) ou les personnes au détriment des autres. Le yoga n'est pas opposé à l’utilisation personnelle d’une chose quelconque (maison, vêtement etc.). Pourvu que cette utilisation réponde à un besoin raisonnable et qu’elle ne nuise pas au prochain.
La quatrième règle de l’éthique est la modération dans ses relations vis à vis de l'Autre "Brahmacharya". Le mot « Brahmacharya » est composé de « Brahma » qui est l’expression la plus haute de l'Absolue Perfection et de « Charya » qui signifie : aller vers ce qui nous rapproche de cet absolu en Soi. La modération dans ses relations comprend l'ensemble des faits et gestes incluant son prochain. La sagesse relationnelle inclut toutes les circonstances de la vie (les contacts professionnels, de voisinage, les relations affectives les plus intimes).
La cinquième règle consiste justement à être désintéressé. Cette posture de lâcher-prise permet l’action mais sans s’attacher, outre mesure, au bénéfice de cette action. Ceci implique de privilégier les échanges justes et équilibrés dans chaque acte de la vie. Par exemple un instructeur éclairé du Yoga Intégral ne doit pas solliciter ni exiger un quelconque avantage personnel en nature ou en espèces en paiement de son enseignement. Le yoga n'est pas une marchandise, il ne peut faire l'objet d'un business pour le seul intérêt.
L'éthique envers Soi : Elle est le complément de l'éthique envers autrui.
L'éthique envers soi consiste à prendre en compte ses besoins corporels, psychologiques et spirituels. Elle ne peut se confondre avec un égoïsme introverti et l'oubli des autres. Dans la pratique de l'éthique, tout est question de juste mesure, d'équilibre, de réciprocité, en fait : de bons sens. L'éthique par rapport à Soi commence par la propreté physique et psychique. Elle permet de vivre en paix avec soi-même, de contrôler ses énergies et son mental, de développer ses connaissances et d’être en confiance avec la Présence en Soi.
Cette première règle éthique de « propreté » est en même temps une bienveillante considération envers les autres. La visée éthique se porte à présent sur la personne et l'ensemble de ses facultés de progression. Le mot sanskrit rendu par propreté, signifie pureté mais aussi correction, conscience et vérité. Dans ce domaine aussi, le yoga considère autant l'aspect physique, le mental et le spirituel, sans rien privilégier outre mesure et sans rien omettre.
La seconde règle consiste à vivre en paix avec soi-même signifie l’état de satisfaction intérieure qui caractérise la pratique éthique du yoga. Cette paix intérieure ouvre la liste des autres conséquences du yoga. Vivre en paix avec Soi, c'est savoir se pardonner ses limites, erreurs et lacunes tout en faisant son possible pour se perfectionner.
La troisième règle porte sur le contrôle de ses énergies, cela implique, au préalable, de reconnaître ces énergies dans leurs diversités, leurs origines et leurs utilisations. Ce contrôle porte sur des actes les plus ordinaires, par exemple celui de la nourriture. Elle est une source importante de l’énergie corporelle, à ce sujet, la Bhagavad-Gîta indique : « Le yoga n’est pas pour celui qui mange trop, tout comme il n’est pas pour celui qui ne mange pas assez...». Une fois encore le yoga nous invite à suivre la voie du milieu, celle de la modération et de la sagesse. Un aspect important du contrôle des énergies concerne la maîtrise (ou contrôle) de son mental, reste l’objectif le plus visible de la démarche du yoga.
La quatrième règle de l'éthique envers Soi est le « développement des connaissances ». Cette progression dans le savoir dépasse la simple scolarité obligatoire qui se résume à peu de chose près à la lecture, l'écriture et les quatre opérations mathématiques de base (addition, soustraction, multiplication et division). Elle est liée à la recherche de Connaissance (avec un grand C) devrait se poursuivre toute la vie. La connaissance implique la capacité de vérifier par Soi-Même le contenu des discours, des écrits, et cela bien entendu, dans la mesure du possible. Nous n'avons pas à croire une chose simplement parce que nos ancêtres y croyaient, nous n'avons pas à faire une chose par habitude ou coutume. Examinons toutes choses et retenons ce qui est bon, juste, pertinent... et surtout ce qui est vrai.
La cinquième règle de l'éthique envers Soi est l'aboutissement du processus de concentration de toutes choses en Conscience. C'est l'expérience qui débouche sur la transcendance et l'unité. Elle est tout à fait personnelle et ne peut être décrite par des mots, tant elle est intime. Nous pourrions essayer de la traduire comme une parfaite Confiance en Soi, en la Présence, en l’Entité Suprême, en la Providence ou en la Vie (ce qui revient à parler de la même chose).